Il y a des morceaux qui deviennent des “classiques” parce qu’ils sont sophistiqués. Et puis il y a ceux qui deviennent des classiques parce qu’ils sont inévitables : une idée forte, une tension qui monte, une rythmique qui pousse, et une harmonie assez simple pour que tout le monde puisse s’y accrocher… mais assez subtile pour que les musiciens aient envie d’y revenir.
Il suffira d’un signe est exactement de ceux-là. Et c’est d’ailleurs assez ironique : cette chanson raconte qu’un détail peut faire basculer le réel… et c’est elle qui fait basculer la trajectoire solo de Jean-Jacques Goldman.

Quand je dis “couleur mineure rock”, je ne parle pas de la qualité des accords (majeur/mineur), mais de la couleur modale qu’ils apportent par rapport au centre D.
1) “Couleur mineure” ≠ “accords mineurs”
On peut avoir une ambiance très “mineure” avec des accords majeurs, simplement parce qu’on utilise des degrés empruntés au mode mineur.
Regarde les notes :
-
Gamme de D majeur : D – E – F# – G – A – B – C#
-
Gamme de D mineur naturel (aeolien) : D – E – F – G – A – Bb – C
Quand tu joues Bb et C, tu fais entendre Bb et C naturel, qui appartiennent clairement à D mineur naturel, pas à D majeur.
➡️ Donc l’oreille entend : “on est centré sur D… mais on a la ♭6 (Bb) et la ♭7 (C)”.il-suffira-d-un-signe
C’est ça, la teinte ‘mineure rock’.
2) Pourquoi j’écris bVI / bVII ?
Parce que si on considère D comme tonalité/centre, dans D majeur les degrés “normaux” seraient :
-
VI = Bm (avec B naturel)
-
VII = C#° (avec C#)
Or toi tu as :
-
Bb = ♭VI (VI abaissé)
-
C = ♭VII (VII abaissé)
Ce sont des accords “empruntés” au mode mineur parallèle (D mineur) — on appelle ça souvent modal interchange / emprunts.
3) Le contraste “ouvert → sombre → ouvert”
-
D – G (I–IV) : ça sonne “grand air”, stable, lumineux (surtout si la mélodie suggère F# à un moment).
-
Bb – C : ça assombrit parce que tu entends Bb (très marqué) et C (pas de C#), donc on perd la sensation “majeure classique”.
Même si Bb et C sont majeurs, la palette (♭6, ♭7) fait basculer l’ambiance vers un rock “mineur”.
4) Conséquence pratique pour toi (solo / impro)
-
Sur les passages avec Bb – C, D mineur pentatonique (D–F–G–A–C) ou D mineur naturel marche très bien.
-
Sur D – G, tu peux “éclairer” en faisant apparaître F# ponctuellement (ex : bend F→F#), puis revenir au F naturel quand Bb revient.
Dans cet article, je te propose deux volets :
-
L’histoire et le contexte du morceau (sortie, décollage, versions, rôle des médias)
-
Le décryptage musical à la guitare (tes accords, les gammes possibles, la logique “majeur/mineur”)
-
en bonus, un plan de solo rock construit pour “suivre” la grille, sans jouer au hasard.
1) L’histoire du morceau : le “signe” qui lance Goldman
1.1 Un premier single solo qui change tout
Il suffira d’un signe sort en septembre 1981 en 45 tours (Pour les plus jeunes, faite une recherche sur Google ;-)), sur le label Epic, avec “Quel exil” en face B. Wikipédia+1
C’est présenté comme le premier single extrait du premier album studio de Goldman (album souvent désigné “Jean-Jacques Goldman”, parfois associé au titre Démodé). Wikipédia
Le point important, pour comprendre l’enjeu : à ce moment-là, Goldman n’arrive pas de nulle part. Il a déjà une histoire musicale (notamment avec Taï Phong) et une tentative solo précédente sans gros impact avec notamment « Jour bizarre« , « C’est pas grave« , « Back to the city again » etc Wikipédia
Bref : Il suffira d’un signe n’est pas seulement “un tube”, c’est un point de bascule.
1.2 Une chanson qui ne décolle pas tout de suite… puis explose
Ce qu’on oublie souvent : au début, le titre peine à démarrer. La légende (vraie) du morceau, c’est précisément cette lente montée, avant la bascule. Wikipédia+1
Deux éléments reviennent régulièrement dans les récits :
-
RTL : le rôle de la programmation radio est décisif. Le nom de Monique Le Marcis, directrice de la programmation musicale de RTL pendant des décennies, est souvent cité comme un soutien déterminant pour imposer la chanson à l’antenne. Wikipédia+1
-
La télévision : un passage dans l’émission Champs-Élysées (6 mars 1982) contribue aussi à l’exposition du titre. Wikipédia
Résultat : le morceau finit par atteindre la première place en mai 1982 (et s’installe comme le déclencheur d’une longue série de succès). Wikipédia
1.3 Album vs single : deux durées, deux énergies
Autre détail intéressant : il existe une différence claire entre :
-
la version album, autour de 5:51 (celle que je préfère parce que la montée en puissance est plus importante).
-
la version single/radio, autour de 4:20, raccourcie (notamment par suppression d’une partie du texte). Wikipédia
C’est important musicalement : une version longue permet d’installer davantage la progression et la montée, alors que la version radio “concentre” l’impact.
1.4 Une inspiration souvent évoquée : l’attente d’un basculement
Le texte du morceau (sans entrer dans la citation de paroles) tourne autour d’une idée universelle : l’attente d’un matin où tout change, parfois “sans prévenir”, presque sur un signe.
Certaines sources mentionnent que Goldman s’inspire symboliquement d’un contexte politique (l’Iran est souvent cité), tout en gardant un propos suffisamment ouvert pour que l’auditeur y projette sa propre lecture : personnelle, collective, intime, sociale… Wikipédia+1
C’est un éclairage possible qui se dit.
1.5 Héritage : un titre qu’on rejoue, qu’on remonte sur scène
Le morceau ne disparaît pas après son succès initial. En 1992, Goldman le reprend en version live avec Carole Fredericks et Michael Jones (Fredericks Goldman Jones), et cette version live sort aussi en single. Discogs+1
Et il y a même eu des tentatives d’adaptation en anglais au début des années 1980, signe que le label espérait une ouverture internationale. Wikipédia
Je vous laisse juge… Dites moi en commentaire ce que vous en pensez.
2) La musique : pourquoi ta grille sonne “rock évident” et pourtant subtile
Les accords :
Couplet : D5 (D5 → Bbmaj7(no5)/D → Dsus4.) – Bb – C
Refrain : D – G – D – G – D – D – G – D – Bb – C – D – G – D – G – D – Bb – C – Gm – A
On va décoder ça comme un guitariste (et pas comme un prof de conservatoire).
2.1 Le couplet : D5 – Bb – C, le vocabulaire rock “bVI / bVII”
D5 : l’accord neutre qui laisse la porte ouverte
Un power chord (D5) n’a pas de tierce : il ne dit pas “majeur” ni “mineur”.
C’est un choix typique rock : la guitare pose la force, et ce sont la mélodie + les couleurs annexes qui installent l’ambiance.
Bb et C : le couple “sombre mais chantant”
Avec D comme centre, Bb et C correspondent à ce qu’on appelle souvent (en langage pratique) le plan rock :
-
Bb = bVI
-
C = bVII
C’est le son “hymne rock” : ça marche en boucle, ça chante, ça pousse.
Ta variante “pédale de D” : D5 → Bbmaj7(no5)/D → Dsus4
Là tu as un mini scénario de tension :
-
D5 : solide
-
Bbmaj7(no5)/D : couleur (Bb + A) sur basse D → ça “tiraille” gentiment
-
Dsus4 : suspension (la quarte G remplace la tierce) → ça appelle le retour
C’est exactement le genre de détail qui transforme une grille simple en truc “habité”.
2.2 Le refrain : le grand secret… c’est le mélange majeur / mineur
Le refrain alterne deux mondes :
A) D – G : l’ouverture (I – IV)
Quand tu fais D – G, tu passes en mode “grand air”, presque “lumineux”. Même si tu joues en power chords, l’oreille entend un élargissement.
B) Bb – C : retour à la couleur mineure rock
Dès que Bb – C revient, tu replonges dans la teinte “mineure” (bVI / bVII).
Et c’est ce contraste qui rend le refrain puissant : ouvert → sombre → ouvert.
Quand je dis “couleur mineure rock”, je ne parle pas de la qualité des accords (majeur/mineur), mais de la couleur modale qu’ils apportent par rapport au centre D.
1) “Couleur mineure” ≠ “accords mineurs”
On peut avoir une ambiance très “mineure” avec des accords majeurs, simplement parce qu’on utilise des degrés empruntés au mode mineur.
Regarde les notes :
-
Gamme de D majeur : D – E – F# – G – A – B – C#
-
Gamme de D mineur naturel (aeolien) : D – E – F – G – A – Bb – C
Quand tu joues Bb et C, tu fais entendre Bb et C naturel, qui appartiennent clairement à D mineur naturel, pas à D majeur.
➡️ Donc l’oreille entend : “on est centré sur D… mais on a la ♭6 (Bb) et la ♭7 (C)”.
C’est ça, la teinte ‘mineure rock’.
2) Pourquoi j’écris bVI / bVII ?
Parce que si on considère D comme tonalité/centre, dans D majeur les degrés “normaux” seraient :
-
VI = Bm (avec B naturel)
-
VII = C#° (avec C#)
Or toi tu as :
-
Bb = ♭VI (VI abaissé)
-
C = ♭VII (VII abaissé)
Ce sont des accords “empruntés” au mode mineur parallèle (D mineur) — on appelle ça souvent modal interchange / emprunts.
3) Le contraste “ouvert → sombre → ouvert”
-
D – G (I–IV) : ça sonne “grand air”, stable, lumineux (surtout si la mélodie suggère F# à un moment).
-
Bb – C : ça assombrit parce que tu entends Bb (très marqué) et C (pas de C#), donc on perd la sensation “majeure classique”.
Même si Bb et C sont majeurs, la palette (♭6, ♭7) fait basculer l’ambiance vers un rock “mineur”.
4) Conséquence pratique pour toi (solo / impro)
-
Sur les passages avec Bb – C, D mineur pentatonique (D–F–G–A–C) ou D mineur naturel marche très bien.
-
Sur D – G, tu peux “éclairer” en faisant apparaître F# ponctuellement (ex : bend F→F#), puis revenir au F naturel quand Bb revient.
C) Gm – A : la rampe dramatique
La fin Gm – A est un classique narratif :
-
Gm (iv mineur) confirme le côté sombre
-
A (majeur) agit comme une dominante “forte” qui veut résoudre vers D
C’est souvent là qu’un solo doit être le plus expressif : tension → relâchement.
2.3 Rythmique : “rock clairement”, donc le groove fait 70% du boulot
Quelques repères très concrets :
-
Pense croches régulières (down-up)
-
Accentue 2 et 4 (caisse claire)
-
Couplets : palm mute léger sur D5 (plus de tension)
-
Refrain : ouvre (moins de mute) pour agrandir l’espace
Astuce : si tu joues en power chords, la dynamique (muté / ouvert) crée autant d’émotion que l’harmonie.
2.4 Positions d’accords guitare (pratiques)
Selon ton niveau, tu peux jouer :
Version “rock simple” (power chords)
-
D5 : x577xx
-
Bb5 : x133xx
-
C5 : x355xx
-
G5 : 355xxx
-
A5 : 577xxx
-
Gm : 355333 (barre) ou version partielle
Version “couleurs” (pour le couplet)
-
Dsus4 : xx0233
-
Bbmaj7(no5)/D (une idée simple) : xx0335
-
D (4e corde à vide), Bb (3e corde case 3), D (2e corde case 3), A (1re corde case 5)
-
tu peux aussi ne jouer que les 4 cordes aigües si ça sonne mieux dans ton arrangement.
-
3) Les gammes pour improviser (sans te faire piéger)
3.1 Base ultra sûre : pentatonique mineure de D
D minor pentatonic : D – F – G – A – C
C’est la “ceinture de sécurité” : elle marche sur D5, Bb, C, Gm, et reste rock sur A.
Ajoute la blue note Ab si tu veux un côté plus sale / bluesy.
3.2 Pour coller parfaitement au couplet : D Il suffira d’un signe mineur naturel (aeolien)
D – E – F – G – A – Bb – C
Ça épouse parfaitement Bb et C (bVI / bVII).
3.3 Pour illuminer D–G : le coup de génie tout simple
Sur les passages D – G, tu peux faire entendre F# (tierce majeure de D) par un bend :
-
bend F → F# (demi-ton)
Ça donne instantanément le côté “hymne rock” sans changer tout ton vocabulaire.
3.4 Sur A majeur : la note qui signe l’accord, c’est C#
Quand l’accord A arrive, la tierce C# fait toute la différence.
Le plus rock : bend C → C# (demi-ton), puis tu résous vers D.
4) Plan de solo rock (construit sur la grille)
Je te propose un solo type 16 mesures, en 4 blocs. L’idée : motif → réponse → montée → tension/résolution.
Grille simplifiée (esprit refrain) :
| D | G | D | G | D | Bb | C | D | D | G | D | Bb | C | Gm | A | D |
Bloc 1 (mes. 1–4) : motif chantant sur D–G
-
Tu poses un thème en D mineur penta, et sur G tu fais un clin d’œil lumineux F→F# (bend).
(6b7 sur la corde B : bend demi-ton F→F#)
Bloc 2 (mes. 5–7) : réponse sur D–Bb–C (vise les “notes cibles”)
-
Sur Bb, vise Bb ou A (la couleur)
-
Sur C, vise C (simple et efficace)
Bloc 3 (mes. 8–12) : reprise du motif, un cran plus haut (intensité)
-
Tu rejoues l’idée du début (cohérence), puis tu “pousses” un peu sur Bb–C.
Puis :
Bloc 4 (mes. 13–16) : Gm–A tension, puis résolution sur D
-
Là tu places C→C# sur A, et tu retombes sur D (effet garanti).
Résolution :
5) Comment t’entraîner pour que ça sonne “morceau”, pas “exercice”
-
Joue la rythmique seule (couplet + refrain) jusqu’à ce qu’elle roule sans réfléchir.
-
Chante mentalement une mélodie avant de la jouer : le solo doit “parler”.
-
En impro : pense notes cibles sur Bb (Bb/A), sur C (C), sur A (C#).
-
Enregistre-toi : le rock, c’est souvent 10% de notes et 90% d’attaque.
Et si vous aimez les solos, je vous invite sur ce dernier article : Improviser avec la gamme de La mineur
Vous désirez prendre des cours de guitare ?


